Le Tell Aswad (Syrie) et le skull building à Cayonü (Turquie)

TESCHI
Crânes surmodelés, Tell Aswad, Syrie, vers – 9500 à – 8700 av. J.-C., (en ligne) Source : http://www.pinterest.com (consulté le 26 mars 2016)

 

Après notre article sur les étapes du surmodelage des crânes au Proche-Orient durant la fin du Néolithique voici, deux petites études de cas pour mieux comprendre le contexte spatial dans lequel ont été posés volontairement ces crânes par nos ancêtres. Une s’intéressera aux crânes découverts dans le tell Aswad en Syrie. L’autre présentera ceux du « Skull building » à Cayonü en Turquie. Nous utiliserons pour cela des extraits de cours reçus dans l’enceinte de l’université Paris 1 et dispensés par Pascal BUTTERLIN, enseignant-chercheur et professeur à l’université Paris 1, et des sources scientifiques (LE MORT Fr., et STORDEUR Da.) particulièrement fiables, même si certaines hypothèses émises actuellement pourraient s’avérer fausses plus tard grâce aux avancées scientifiques. Évidemment, ces sites étant très peu connus du grand public, aucun article de presse n’en fait allusion c’est pourquoi nous n’avons accès qu’à des articles scientifiques et spécialisés, particulièrement fiables donc car fruits de travaux pertinents.

  • Les crânes du Tell Aswad en Syrie

C’est dans une aire définie comme funéraire qu’ont été trouvés les crânes surmodelés en 2003 sur le site du Tell Aswad, en Syrie. Selon STORDEUR et KHAWAM [2-3], ces crânes étaient placés dans une sorte de petite maison ronde non loin d’un cercle dessiné par des pierres basaltiques maintenant défini comme un foyer. Celui-ci ne présente pas de crânes humains mais plutôt d’animaux, probablement utilisés comme offrandes ou comme instruments de rituels. Néanmoins des marques de cendres, de braises ont été remarquées à l’emplacement des crânes humains suggérant leur utilisation à des fins encore une fois rituelles ou funéraires. L’aire dans laquelle ces restes humains gisent, se découpe en plusieurs parties dont une creusée et entourée par un muret recelant les restes de quatre crânes surmodelés et un autre qui ne l’est pas. Le caractère original de cette aire réside dans le fait que des corps acéphales (donc sans tête) les recouvrent sauf un qui ne l’est pas. Du mobilier funéraire de plus a été distingué dont des restes d’un lit en roseaux, des perles, un récipient.

Mais alors, pourquoi cette pratique ? Est-ce signe d’un rituel ? Est-ce une tombe ? À l’heure actuelle, les chercheurs s’unissent sur le fait que ces pratiques funéraires devaient être réservées à une classe de la société et probablement celle de l’élite, bien que nous n’ayons aucune preuve étant donné que les recherches anthropologiques sur la question n’ont pas encore été faites.  Comme on ne sait si l’âge, ni le sexe de ces hommes aucune conclusion ne peut en être tiré. Selon STORDEUR  et KHAWAM [2-3], la question est de savoir comment l’homme se représente dans le monde, monde que l’homme sait maîtriser (agriculture, élevage). On remarque notamment que la place de l’homme dans l’iconographie prend une place plus importante. L’homme n’a plus peur de la nature car il arrive à la dompter. Il est très probable que cette pratique mette en valeur la notion de lignage d’une élite donc, un « culte des ancêtres » intimement lié à la sédentarité.

  • Le Skull Building ou le bâtiment aux crânes à Cayonü, Turquie. 
mg21528784.400-2_500
« The Skull Building », Cayonü, Turquie, vers – 9500 à – 8700 av. J.-C. – Photo (C) : Consejo Superior de Investigaciones Cientificas (en ligne) Source : http://www.newscientist.com/ (consulté le 26 mars 2016)

Le site archéologique de Cayonü, en Turquie a été fouillé de 1964 à 1991 par des équipes américaines de Chicago et turques d’Istanbul. Ce site aurait été habité dès 10 000 av. J.-C. de manière continue. Lors des différentes phases de fouilles a été découvert le « Skull Building » nom donné à cause de la multitude de crânes trouvés à cet endroit. On a pu y découvrir une trentaine de dépôts humains dont les plus anciens dateraient de – 9000 av. J.-C. environ. Ces différents restes humains mettent en valeur une grande variété de pratiques funéraires qu’il serait intéressant de présenter.

mg21528784.400-1_500
Restes de crânes humains du « Skull Building », Cayonü, Turquie, vers -9500 à – 8700 av. J.-C. –  Photo (C) : Consejo Superior de Investigaciones Cientificas – (en ligne) Source : http://www.newscientist.com (consulté le 26 mars 2016)

Grâce à des études ostéologiques (donc scientifiquement fiables) , les chercheurs [1]  ont pu mettre en évidence la présence de dépôts humains, principalement des crânes. Ceux-ci n’auraient pas été altérés naturellement mais bien par l’homme puisque des stries et des traces d’outils tranchants ont été relevées sur deux crânes d’adultes. Ils correspondraient pour les scientifiques à des preuves de nettoyage et de préparation du crâne, préparation post mortem. D’autre part, des traces de calcination et de brûlures ont été vues sur tous les ossements retrouvés dans la cavité du « Skull Building ». Plusieurs hypothèses à ce jour restent sans réponse. Néanmoins la présence de ces marques mettent en évidence l’importance du feu dans la pratique funéraire. En effet, on sait que le feu était utilisé pour la préparation des crânes surmodelés comme nous l’explique Françoise Le Mort [1]. Par conséquent, cet espace serait comme un réservoir, une réserve de crânes « prêts à l’emploi », d’autant plus qu’une rigole a été découverte ce qui aurait pu permettre l’écoulement aisé de l’hémoglobine à l’extérieur du bâtiment, sorte de salle du traitement des crânes. Néanmoins, il faut faire attention aux hypothèses émises qui pour l’instant ne sont pas attestées ni validées à l’unanimité dans le monde de la recherche.

Agathe RIOU

  • Bibliographie commentée :

[1] LE MORT Françoise, « Modifications artificielles et restes humains préhistoriques : signification et interprétations », Revue archéologique de Picardie. Numéro spécial 21. (n°1/ 2003), p. 117-123. [en ligne], consulté le 13 mars 2016

Ce chapitre a été utilisé pour la confection de la seconde partie sur le « Skull Building » à Cayonü en Turquie. Il a permis de récolter, en plus de certaines notions vues en cours (par P.BUTTERLIN, professeur de Paris 1), des informations quant à la préparation des crânes et de son contexte de découverte. Rédigé par LE MORT Françoise, chercheur à Lyon dans le laboratoire Archéorient, cet article paru dans une revue spécialisée en archéologie est donc très fiable.

[2] KHAWAM Rima, « Les crânes surmodelés du Tell Aswad (PPNB, Syrie). Premier regard sur l’ensemble, premières réflexions », Syria (n°84), 2007, p.6-32. URL : <https://www.academia.edu/3229869/Les_cr%C3%A2nes_surmodel%C3%A9s_de_Tell_Aswad_PPNB_Syrie_._Premier_regard_sur_lensemble_premi%C3%A8res_r%C3%A9flexions&gt;. (consulté le 7 avril 2016)

Cette ressource est à prendre en lien avec celle de STORDEUR puisque le travail de cette doctorante a été dirigé par Da. STORDEUR (chercheur). Par conséquent elle est fiable car présente, preuves à l’appui, de nombreuses hypothèses pour comprendre ce phénomène en plus d’être issue d’une revue spécialisée dans le monde proche-oriental. Ce chapitre a été utilisé en complément et comme un approfondissement du sujet pour notre première partie.

[3] STORDEUR Danielle, « Des crânes surmodelés à Tell Aswad de Damascène (PPNB – Syrie) », Paléorient, 2003, vol. 29, n°2, p. 109-115. [en ligne], consulté le 13 mars 2016

Cette ressource rédigée par Da. STORDEUR, chercheur au CNRS et au laboratoire Archéorient à Lyon, a permis de mieux comprendre le contexte de découverte des crânes au Tell Aswad en Syrie. Il a été utilisé pour la première partie de notre article comme un complément de cours (dispensé toujours par P. BUTTERLIN). En vue de sa date de publication, l’ouvrage, et surtout de l’auteur, on peut affirmer la véracité des informations bien que lacunaires à cause des recherches encore en cours.